Qui nierait cette évidence terrible : la culture marocaine est en panne de création : les livres périclitent, la chanson s’effondre, le roman végète, la musique n’est plus que brouhaha et les films, à quelques rares exceptions près, ne sont qu’imitation servile.
Mohamed Naji, observateur averti, arrive à ce constat cruel : « Dire cette vérité amère et incroyable : oui, nous sommes revenus en arrière par rapport au protectorat en matière de culture. Oui, nous avons réussi à désertifier le champ culturel et dans ce désert le charlatanisme fait loi. Oui, le ministère de la Culture ne peut se réfugier derrière le prétexte de l’insuffisance budgétaire, se doit au moins de crier haut ces vérités et de revendiquer le droit à la création, de s’interroger à ce sujet, mais cela suppose qu’il ait un projet. »
En effet, si la culture régresse, c’est tout le pays qui régresse. Comment s’étonner dès lors que certains se réfugient dans des idéologies bigotes, fanatiques et rétrogrades ? L’enjeu est terrible, cela mérite donc que l’on interroge notre ministre de la Culture. Quel projet a-t-il ? Quelle vision ? N’est-il pas « le philosophe », le « penseur » qu’on nous présente à cor et à cri ?
L’autocélébration tient lieu de communication
Comme nous sommes dans l’empire de la communication, saluons la prouesse de notre ministre qui s’est mis littéralement à dos le monde de la culture, de l’art et de l’information ! Une question s’impose : comment a-t-il fait ? Comment s’ingénie-t-il à nous offrir toutes les occasions de se payer sa tête ? Comment notre ministre a réussi une telle acrobatie communicationnelle pour avoir aujourd’hui l’image la plus exécrable ?
Oui, une image exécrable ! Cela arrive quand on bouscule les convenances. Quand on dérange une hiérarchie figée. Quand on secoue les certitudes pour dessiner d’autres sentiers et quand la culture est mise en mouvement pour donner le meilleur d’elle-même en exprimant le génie créateur de notre peuple !
Hélas, rien de tout cela ! Rien que de petits calculs sordides et de petits règlements de compte qui n’honorent ni sa personne, ni ses collègues au gouvernement, ni le parti qui l’a hissé à ce rang. Tout un chacun s’interroge : quelle est la vision et quelle est la cause ? Quelle est la feuille de route que cet homme entend adopter pour sortir la culture de l’ornière dans laquelle elle patauge ? L’USFP et d’autres compères, n’ont-ils pas chanté sur tous les toits, dans la pure tradition stalinienne, qu’il est l’intellectuel hors pair, le savantissime et la lumière dont une seule étincelle éclairerait la destinée de notre nation et le devenir du monde arabe !
Il est vrai que nous avions déjà un avant-goût de ce cauchemar lors de sa première sortie médiatique où il s’est surtout évertué à plaire à tout un chacun par des flots de promesses. Ce jour-là, il nous a assuré qu’il comptait remédier à la crise de la lecture par l’intermédiaire de certains textes de littérature que l’on soumettrait aux élèves pour qu’ils les apprennent par cœur ! Plus d’un écarquillèrent les yeux :
« Ce monsieur veut-il nous ramener à nos siècles obscurs où la mnémotechnique étouffait dans l’âme toute créativité et toute réflexion pour ne faire prévaloir que les stéréotypes appauvrissants et la scolastique indigente ? Tout ce carcan qui pèse toujours sur les consciences et les mentalités et dont nous continuons à payer l’exorbitant prix !
« Le cassage » d’une image de marque
À la foire du livre, en présence de l’ancien Premier ministre français Dominique de Villepin, notre ministre de la Culture prenait la parole, non pas pour nous éclairer, mais tout simplement pour se prendre les pieds dans le tapis en astiquant une langue de bois ponctuée de quelques bourdes : telle que cette expression affligeante « le cassage » du bras du ministre français de la Culture. Et d’autres vacheries du genre, mettant tout un chacun dans une gêne effroyable. Seul Dominique de Villepin, avec une sérénité exemplaire, regardait tout cela avec un certain amusement. Pourquoi pas ! Lui, l’homme d’État et le vrai homme de culture s’offrait un moment rare de contempler de visu la culture réduite en tartufferie !

Un égo démesuré à Hola
Nous attendions notre ministre au chevet d’une culture agonisante pour lui insuffler créativité et régénération. Hélas, nous le rencontrons là où personne ne l’attendait : sur le podium de Hola avec des photos et un discours exprimant une autosuffisance naïve. Il nous dit : Oui, je suis helléniste, poète, philosophe, scénariste, essayiste, romancier, polyglotte. Bref, l’autocélébration chante ses propres louanges à n’en pas finir.
À une question : quels sont les grands axes de votre politique culturelle ? Le ministre se contente de se comparer à ces sommités : André Malraux et Georges Semprun ! La réponse que nous attendions ne vient que sous forme de phraséologie verbeuse et de vœux pieux du genre : « La culture marocaine doit briller de tous ses éclats. La culture doit être véritablement la colonne vertébrale du développement humain. » Et d’autres sornettes du même acabit.
Un critique littéraire affirme : les romans himmichiens de modeste fabrication n’ont eu d’impact qu’auprès de l’élite moubarakienne. Celle-là même dont l’obséquiosité et la servilité lui tiennent lieu de créativité.
Quel est le message transmis ?
« La culture ? Je m’en balance. Elle n’est que tremplin, de même que le parti n’est qu’un marchepied pour arriver là où je suis. Je ne suis peut-être pas prince, mais tout comme !
Ne suis-je pas là, à Hola, admiré, choyé et donc prince parmi les princes ? ».
Dans sa prestation télévisée, la désinvolture frise le ridicule. C’était au cours de ce moment mémorable à Al Jazeera, la brillante journaliste le présente en termes pompeux. Il l’arrête net, d’un geste exaspéré et une mine de papier mâché : « Non, je ne suis pas né en 1948, mais en 1958. Non, vous avez rajouté dix ans à mon âge ! » Tout un chacun s’esclaffe.
L’âge de Son Excellence prime. Chaque jour est un événement, y rajouter dix ans à cette vie fabuleuse est une atteinte grave à la marche mémorable de l’humanité.
La toute dernière bourde : le ministre de la Culture a donné sa bénédiction écrite pour l’exhumation d’un trésor. Des représentants du ministère étaient là avec, on ne sait quels charlatans assermentés et arnaqueurs attitrés.
Le Borgne et les aveugles
Oui, le borgne est maître dans le pays des aveugles. Mais nous ne sommes pas des aveugles pour autant !
Voilà des voix qui s’élèvent, des intellectuels qui plongent dans la prose himmichienne pour la trouver dénuée d’originalité.
L’homme de culture se révèle un dilettante qui se pique de culture. Parmi les intellectuels marocains, il est celui auquel le ciel a dispensé le plus parcimonieusement ses dons.
Bien que les plumes de paon dont l’USFP l’ait paré tombent l’une après l’autre. Les thuriféraires n’en démordent pas pour autant et continuent à balancer dans tous les sens leur encensoir. Pendant ce temps, Himmich continue à surfer sur un égo gonflé à bloc, avec ses gesticulations qui ne sont qu’inscriptions mortuaires sur l’épitaphe d’une culture, où on peut lire : ci-gît la grande culture marocaine victime de mystification partisane et d’indigence ostentatoire !


