Un intérieur qui a du kalb : le clébard par qui le scandale arriva.

« Avoir du chien » ! Que signifie une telle expression dans l’environnement culturel français ? Le grand Léo FERRÉ l’a incontestablement immortalisée dans ce cri poétique perçant :

Une robe de cuir comme un fuseau

Qui aurait du chien sans le faire exprès

Et dedans comme un matelot

Une fille qui tangue un air anglais

 Une fille qui a du chien.

Et de la musique en bas des reins

En effet, avoir du chien, c’est avoir du caractère, du piquant. Une femme qui a du chien est une femme qui a un charme accompagné de, je ne sais quoi d’insolent, de provocant qui fait craquer les hommes et les précipite dans la déperdition.

Ceci, s’agissant de l’environnement français. Mais qu’en est-il de la perception marocaine ? Serait-il possible de transposer cela en plein champ culturel marocain ?

Un chien peut-il faire irrup­tion dans un salon marocain et s’y installer confortable­ment ?

Ne transgresse-t-il pas par ce geste un imaginaire culturel où le chien n’a pas droit de cité ? À moins que ce damné clébard n’exprime par ce même geste un changement de mœurs ?

Le concepteur de ce visuel n’a-t-il pas pensé le plus innocemment du monde, en se fiant aux apparences, que notre vénérable patriarche est mort, en emportant avec lui une tradition et son cortège de représentations ? En conséquence, comme le dit l’adage, « un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort ».

Cependant, un malentendu saute aux yeux : l’inventaire de la succession est certes dressé avec testament à l’appui, mais nous n’y trouvons nulle trace canine, ni dans le passif ni dans l’actif !

Notre imaginaire est donc intact. Le chien est toujours le chien. Un animal impur, une souillure ambulante. Il annule les ablutions et sa présence dans l’enceinte d’une maison est incompatible avec la présence des anges, selon nos vénérables oulémas. L’accouplement canin est un acte d’une obscénité scandaleuse ! Si jamais nous touchons un chien, nous devrions nous laver les mains sept fois. Là où il y a chien, il y a crotte, aboiement, lâcheté, morsure et danger de rage. Le tout est couronné de servilité obséquieuse, etc.

Bref, le chien ne peut être toléré qu’à l’extérieur, pour une tâche précise, monter la garde ou la chasse !

Seul le chien a du chien !

Il est vrai que nos rapports avec le chien ont beaucoup évolué. Le chien se civilise, parfois même, on l’exhibe comme signe de richesse et on lui intime l’ordre auquel il obéit au pied levé ! Quel signe d’autorité !

Complimenter une beauté marocaine, en lui disant qu’elle a du chien, c’est le comble de la muflerie.

Tout cela est incontestable, mais de là à dire que le chien a acquis le statut de son homologue français, hissé au rang d’ami et fidèle de compagnon de l’homme, c’en est trop. L’autoriser à s’installer dans notre propre salon, c’est à s’étrangler de rage.

Qui d’entre nous, Marocains, n’a pas été littéralement choqué, et même dégoûté en voyant un chien lécher la main, ou laper le visage de sa maîtresse ou son maître européen !

De là à oser dire d’un salon marocain qu’il a du chien, c’est un non-sens flagrant.

C’est insulter une tradition et faire trop d’honneur à un animal qui porte sur ses épaules un mépris millénaire !

Mais quelle ironie du sort ! Celui que nous appelons clébard, n’est-il pas en train de prendre sa revanche puisque Noormarketcom s’incline avec tout son rayonnement et lui accorde tant d’intérêt ?

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