El-Alami : l’invective en guise de communication

Et M. Abdelhadi El-Alami créa l’événement. Que s’est-il passé ? Il nous annonce le lancement d’un journal en langue arabe, « Al-khabar ». L’homme n’est certainement pas orfèvre en la matière, mais cela ne peut que nous réjouir. Les échecs retentissants ; les banqueroutes journalistiques et les canards boiteux qu’il dirige en français ou en arabe ne peuvent que donner plus qu’une chance pour qu’il soit plus averti et plus expérimenté.

Et puis, notre optimisme, même s’il est loin d’être béat, ne nous incite-t-il pas à applaudir toute tentative qui viendrait enrichir notre perspective et repousser loin les frontières de notre uniformité étouffante ?

Cette grande littérature annonce un grand défenseur du peuple qui se sent pousser des ailes de leadership visionnaire.

Hélas, l’information mentionnée ne tarda pas à enclencher toute une série de vagues grosses de signes communicatifs. À notre grande surprise, M. El-Alami est resté figé dans une attitude qui rappelle une statue d’indifférence. Alors que lesdites vagues et lesdits signes risquent de balayer et le journal mort-né et le médecin accoucheur.

Contemplons de près ces vagues :

1ʳᵉ vague : une femme d’origine française est appelée à la rescousse pour l’élaboration et la mise en œuvre d’une maquette : salaire proposé 140 000 DH

2ᵉ vague : un ancien journaliste, qui n’est autre qu’Ali Ammar, l’ancien directeur du défunt « Le Journal », est appelé à son tour à la rescousse. Pour apporter une aide technique à la réalisation de la maquette en question et pour travailler à l’élaboration d’une ligne éditoriale : salaire 40 000 DH.

3ᵉ vague : dans une évolution inattendue, Madame la maquettiste accuse Ali Ammar de lui avoir dérobé maquette, disque dur ainsi qu’une somme d’argent.

4ᵉ vague : M. le journaliste avec sa complice présumée Mlle Zineb sont arrêtés par les « visiteurs de l’aube » en les extirpant de leur nid douillet à cinq heures du matin.

5ᵉ vague : Mlle Zineb n’est autre que la fondatrice de ‘Mali’, qui a défrayé la chronique en provoquant un véritable ramdam ramadanesque.

Mettons un terme à toutes ces vagues parfois malicieuses, mais à notre corps défendant, celles-ci ne déclenchent-elles pas certaines interrogations ?

Comment se fait-il que M. El-Alami fasse appel à cette dame d’origine, de culture et de perception françaises pour faire la maquette d’un journal de langue arabe ? C’est-à-dire de la communication en arabe ? Comment se fait-il qu’il lui paie pour une telle besogne un salaire mirobolant, alors qu’il peut faire appel aux services du meilleur maquettiste sur place pour un émolument dix fois moins cher ? Les malintentionnés évoquent volontiers ce complexe de colonisé qui sublime à l’extrême toute empreinte du maître français.

Notre apprenti sorcier tire contre tout ce qui bouge et à balles réelles même si celles-ci sont en flocons.

Il y a néanmoins une autre question plus ardue : comment M. El-Alami invite M. Ali Ammar à définir sa ligne éditoriale alors que professionnellement et éthiquement celle-ci ne se décrète pas ? À moins que M. El-Alami veuille adopter la ligne éditoriale du défunt « Le Journal » ? Celle-là même qui l’a conduite à la banqueroute ?

Comment El Alami invite Ali Ammar à définir sa ligne éditoriale alors que professionnellement et éthiquement celle-ci ne se décrète pas ?

À ce stade d’analyse, une question s’impose. Et si M. El-Alami nous préparait une révolution journalistique ? Pour s’en convaincre, lisons ce qu’a griffonné sa pertinente plume dans son canard Maghreb Al-Yawm. Notre apprenti sorcier tire contre tout ce qui bouge et à balles réelles, même si celles-ci sont en flocons. Dans sa chronique ornée de sa jolie photo, et après avoir rendu hommage à SM le roi, il s’attaque à ce qui lui tient le plus à cœur, c’est-à-dire le peuple :

« un peuple dont une toute petite minorité habite de confortables villas et conduit de somptueuses voitures. Alors que la majorité de ce peuple est dépourvue de l’essentiel et souffre le martyre dans des bidonvilles et des villages tristes et lointains. Un peuple qui n’a pu échapper aux tenailles d’une élite malveillante qui a pulvérisé son avenir et qui a fait de ce peuple, le peuple analphabète par excellence. »

L’auteur dénonçant pêle-mêle : « le frelatage de la science », « la falsification de la connaissance », « les courtiers du futur », « les prévaricateurs et les scélérats », « les hypocrites », « les mercenaires » et « les charlatans ». Et que sais-je encore ?

Certains lecteurs qualifieront cette littérature d’indigeste et de médiocre. À mon avis, ils ont tort, car cette grande littérature annonce un grand défenseur du peuple qui se sent pousser des ailes de leadership visionnaire. Alors c’est tout à fait normal qu’il plane au-dessus de nos petites têtes, donnant ainsi libre cours à ce délire diarrhéique qui nous révulse peut-être, mais qui le sou­lage et c’est l’essentiel…

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